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La Faluche : tradition et symbolisme étudiant
La faluche, célèbre chapeau porté par les étudiants français, a une place particulière à Montpellier. Ici, la faluche comporte des crevées en croix (ouvertures sur le chapeau) sur son velours noir, une spécificité montpelliéraine qui la distingue des autres villes universitaires. Cette particularité est un hommage direct à Rabelais, qui fut étudiant et enseignant à la Faculté de Médecine de Montpellier.
La tradition montpelliéraine autour de la faluche s’est également démarquée à travers les âges. Lorsque la faluche a été adoptée en 1889 par les étudiants parisiens pour représenter l’université française, Montpellier a choisi de la différencier en y ajoutant cette croix de couleur, liée à la discipline de l’étudiant. Cette tradition se perpétue encore aujourd’hui, et la corporation des étudiants en médecine ajoute chaque année un pin’s sur la faluche, symbolisant leur progression.
Le monument Rabelais, situé dans le Jardin des Plantes et offert en 1921 par les étudiants pour célébrer les 700 ans de la faculté, est un autre témoignage de l’attachement des étudiants à cette figure historique. Une anecdote clé est que le monument, qui représente un étudiant trinquant, a vu sa main brisée par les intempéries. Lors de la rénovation du monument pour le 800e anniversaire de la faculté, les étudiants ont choisi de ne pas reconstituer la main, arguant que l’étudiant moderne ne méritait pas de trinquer, car il n’étudiait plus avec la même ferveur que ceux de l’époque de Rabelais. Finalement, la main a été reconstruite sur la base d’iconographies fournies par les étudiants eux-mêmes, après plusieurs tentatives infructueuses.
Les femmes à la Faculté de Médecine de Montpellier : pionnières et résistances
La Faculté de Médecine de Montpellier a été un lieu précurseur pour l’accueil des femmes dans les études médicales, bien que ce processus ait été marqué par des résistances et des anecdotes révélatrices des mentalités de l’époque.
Agnès McLaren : la première femme inscrite à la faculté (1876)
La première femme à briser le plafond de verre montpelliérain est Agnès McLaren, une Écossaise, qui s’inscrit à la faculté en 1876. À une époque où les femmes étaient encore largement exclues des professions médicales, elle devient l’une des pionnières non seulement en France, mais aussi en Europe. McLaren, issue d’une famille noble et catholique, avait d’abord tenté de s’inscrire dans d’autres facultés avant de trouver à Montpellier un accueil plus favorable. Elle obtient son diplôme de docteur en médecine en 1878, devenant ainsi la première femme médecin formée à Montpellier.
Cependant, malgré son succès à la faculté, McLaren ne peut exercer en tant que médecin en Angleterre, où les lois lui interdisaient encore l’accès à la profession. Elle consacrera finalement sa carrière à la santé des femmes en Inde, travaillant comme missionnaire médicale.
Glafira Ziegelmann et Amans Gaussel : un couple pionnier dans la médecine montpelliéraine
Un autre moment marquant dans l’histoire des femmes à la faculté de médecine de Montpellier est lié à Glafira Ziegelmann, une femme médecin d’origine russe, épouse du professeur Amans Gaussel. Leur parcours académique et personnel constitue une véritable saga.
Glafira Ziegelmann et Amans Gaussel se rencontrent lorsqu’ils sont étudiants à Montpellier. Les deux jeunes étudiants en médecine partagent non seulement leurs études, mais également une détermination commune à réussir dans une époque où les femmes peinaient à obtenir leur place dans le domaine médical. Leur amour pour la médecine et leur ambition commune les poussent à s’entraîner mutuellement pour réussir le prestigieux concours de l’agrégation en médecine.
Amans Gaussel réussit d’abord le concours d’agrégation, devenant professeur à la faculté. Encouragé par ce succès, il pousse Glafira à passer elle aussi le concours. Brillante, elle réussit l’épreuve écrite à Paris. Cependant, lors de l’épreuve orale en 1910, un scandale éclate : lorsqu’il est découvert qu’elle est une femme, le jury refuse de l’admettre à l’examen. Dans une France encore largement patriarcale, l’idée qu’une femme puisse être agrégée en médecine et enseigner à l’université reste inacceptable.
Malgré cette injustice, Glafira Ziegelmann ne se laisse pas décourager. Pendant la Première Guerre mondiale, elle remplace son mari à la tête du grand sanatorium de l’Hérault, démontrant des compétences managériales et médicales indiscutables. Son
rôle pendant la guerre met en lumière la nécessité d’admettre les femmes dans les postes de responsabilité dans la médecine. C’est un tournant symbolique dans l’évolution des mentalités au sein de la faculté.
Le refus de Glafira en 1910 et le monument à Rabelais : une coïncidence troublante
L’année 1910 n’est pas seulement marquée par le refus de Glafira à l’oral de l’agrégation. Cette même année, l »Association Générale des Etudiants de Montpellier » lancent un concours pour ériger un monument à la gloire de Rabelais. Rabelais, grand humaniste et ancien étudiant de la faculté de médecine de Montpellier au XVIe siècle, est une figure emblématique pour l’institution.
La maquette choisie pour ce monument montre une allégorie de la faculté de médecine, représentée par une femme en habit de professeur. Cette décision provoque un véritable tollé dans la presse locale et nationale, où des critiques s’élèvent contre cette représentation féminine d’une institution historique aussi prestigieuse. Bien que la coïncidence entre le refus de Glafira Ziegelmann à Paris et la controverse autour de cette statue soit difficile à prouver, certains y voient une illustration des résistances que les femmes rencontrent à cette époque dans leur quête de reconnaissance professionnelle.
Ce débat montre à quel point l’idée d’une femme dans une position d’autorité académique ou scientifique était encore largement rejetée au début du XXe siècle.
Un couple immortalisé à Montpellier : l’amphithéâtre Ziegelmann-Gaussel
Malgré ces résistances, la contribution de Glafira Ziegelmann et Amans Gaussel à la médecine montpelliéraine a laissé une trace durable. Leur dévouement à l’enseignement et à la médecine est aujourd’hui honoré par un amphithéâtre portant leurs noms au campus Arnaud de Villeneuve de Montpellier. Ce geste symbolique témoigne du respect et de la reconnaissance que la faculté leur porte, réaffirmant l’importance du rôle des femmes dans l’histoire de l’institution.
L’entrée tardive des femmes dans la profession médicale en France
Bien que Agnès McLaren et Glafira Ziegelmann aient ouvert la voie aux femmes dans la médecine, il faudra encore plusieurs décennies avant que les femmes ne puissent pleinement accéder aux postes d’enseignement et de recherche dans les facultés de médecine françaises. L’agrégation en médecine, qui était autrefois un obstacle insurmontable pour les femmes, est progressivement devenue accessible après la Seconde Guerre mondiale, au prix de luttes acharnées pour l’égalité des sexes dans le monde académique.
Montpellier a ainsi joué un rôle pionnier en accueillant des femmes dès la fin du XIXe siècle, contribuant à faire évoluer les mentalités et à faire reconnaître leurs droits à exercer et enseigner la médecine.







